Me Philippe Richer a pratiqué le droit pénal avant de se concentrer sur le droit des sociétés, le droit immobilier, les testaments et la planification successorale. Il a rédigé le cours de droit des affaires pour le Knowledge Bureau et a fait des présentations lors de leurs conférences annuelles. Il a également enseigné le cours de français juridique à la faculté de droit pendant 5 ans. Il est actuellement président de la Chambre de commerce francophone de Saint-Boniface.
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Q : Votre cabinet a évolué depuis votre dernière visite à Parlons doit. Parlez – nous un peu des changements.
R : Le nom Teffaine Labossière Richer, c’est le nom initial que nous nous avions. Je me suis joint à Rhéal Teffaine et Denis Labossière qui se sont depuis retirés. Nous avons changé le nom du cabinet à TLR pour garder la tradition et en même temps pour annoncer qu’il y a des changements, puis une nouvelle direction. Alors notre nom maintenant c’est Étude d’avocats TLR Law Office.
C’est difficile de se rappeler comment était la vie avant la pandémie. À ce moment-là, nous étions au 247 Provencher, en face du parc Provencher. Nous sommes maintenant sur la Provencher, au deuxième étage de l’édifice Momentum, où se situe la bibliothèque de Saint-Boniface. Nous avons depuis acquis une pratique dans le sud de la ville sur le chemin Pembina. Nous sommes ensuite déménagés sur la Scurfield le 1er janvier cette année. Un de nos avocats, Daryl Strain, travaille à partir de ce lieu. Il est anglophone, mais il parle le français aussi. D’ailleurs, il était violoniste avec l’Orchestre symphonique de Winnipeg avant de se lancer en droit. Il a un parcours très intéressant.
Nous avons aussi acquis la pratique de Caroline Kraemer qui se trouve au coin de la Sargent et Wall qui s’appelle Estate Attorneys of Manitoba. C’est une marque différente. Nous allons probablement déménager cette pratique. Je porte mon manteau en ce moment parce que c’est un édifice qui date d’environ 50 ans avec un système de chauffage de 50 ans. Le bail se termine au mois de juin et on cherche un nouveau local pour cette pratique.
Et nous sommes actuellement en discussion avec un ou deux autres avocats pour prendre en main leur pratique, alors ça va être une autre année de croissance en 2022.
Q : On voit par ce nouveau titre que c’est un cabinet bilingue. C’est possible donc d’obtenir des services en français?
R : Comme vous le savez, la main-d’œuvre est difficile à trouver. Si on limite nos employés potentiels à des employés bilingues seulement, ça devient difficile de combler les postes. Alors nous sommes en mesure d’offrir des services en français, mais on a quelques employés qui ont des compétences spécifiques qui ne parlent pas le français. On a deux parajuristes séniors, qui sont anglophones. Ils forment présentement des assistants légaux qui eux sont bilingues. Malheureusement, on n’œuvre pas entièrement en français, mais on fait notre possible, surtout à Saint-Boniface, d’avoir des employés bilingues. Notre équipe junior est composée majoritairement de personnes qui parlent le français.
C’est une obligation déontologique d’offrir le service dans la langue de choix du client. Si un client demande le service en français, nous avons la capacité de l’offrir. Nous pouvons aussi nous assurer que toute communication entre le client ou la cliente et l’avocat, que ce soit verbal ou écrit, soit en français.
Q : La question du chauffage nous permet de faire une belle transition à la question de l’achat et la vente d’une maison. D’abord, quelle est la plus grave erreur que l’on peut faire quand on achète une maison?
R : C’est difficile de faire une erreur qui coûte cher, mais ce n’est pas impossible. Alors premièrement, je dois parler des erreurs qui ne coûtent pas cher, mais qui causent beaucoup d’ennuis. C’est des acheteurs qui ne sont pas informés sur le processus. Souvent, on va avoir des gens qui achètent une maison et qui tiennent pour acquis que le côté légal se fait magiquement. Et puis, à la dernière minute, ils courent d’un bord et de l’autre pour les assurances, pour l’argent, l’hypothèque, etc. Et ils ne prennent pas le temps de se rendre disponibles pour signer les documents. Régulièrement, on a des clients qui partent en voyage juste avant l’acquisition de leur maison, quand ils n’ont pas encore signé les documents nécessaires pour transférer le titre. Donc, il y a un élément d’éducation qui doit se faire au début. Il faut s’assurer d’avoir les fonds nécessaires. Il y a toujours des coûts additionnels quand on achète une maison. Il y a les frais d’avocats. Il y a la taxe sur le transfert de titres qui peut monter quand on a des maisons de 500 000 $ ou plus. La taxe sur le transfert de titre peut facilement monter jusqu’à 5 à 7 000 $. C’est quand même un montant assez important. Il y a les taxes foncières qui doivent être attribuées à la bonne partie.
Et puis, il y a toute la question avec les banques, les hypothèques, etc. On doit s’assurer d’avoir tous nos documents en place, nos ententes en place, nos rencontres en place pour avoir le temps de faire notre travail avant la date de possession et pour assurer une transition normale.
Il y a des erreurs aussi qui peuvent coûter très cher. Il y a un concept dans la common-law partout au Canada qui est très importante lors de l’achat d’une maison. C’est le concept de caveat emptor, c’est-à-dire, les acheteurs acceptent la maison telle quelle avec les problèmes qu’elle peut avoir. Le vendeur n’est pas responsable pour ceux-ci, à moins que le vendeur promette quelque chose ou fasse une fausse déclaration.
C’est donc la responsabilité de l’acheteur de s’assurer que la maison est en bonne et due forme. Il y a une période de diligence appropriée qui est nécessaire pour les acheteurs potentiels. Une maison ce n’est pas comme le moteur d’une voiture. Aujourd’hui, les mécaniciens doivent avoir recours à un ordinateur avant de faire la réparation. Une maison c’est pas aussi compliquée que ça. Une maison c’est des poteaux, c’est des murs avec des coins. Il y a des systèmes de chauffage et d’électricité, alors c’est quand même assez facile de faire des inspections, même si l’individu ne peut pas le faire. On peut embaucher des gens qui se spécialisent dans les inspections de maison où on peut embaucher des gens dans les métiers de plombiers, électriciens, etc. pour faire des inspections. Une fois que la date de possession arrive, une fois qu’on prend possession de la maison, que le titre est transféré à l’acheteur, le tout appartient maintenant à l’acheteur, y inclus les problèmes qui pourraient se manifester au cours des années. L’acheteur n’a aucun recours. En anglais on dit « buyer beware » – en français c’est caveat emptor.
Q : Est-ce qu’il y a moyen de mieux se protéger?
R : ll y a des conditions qu’on peut ajouter à l’offre d’achat. Et si on fait affaire avec un agent immobilier, il y a un formulaire prescrit par la loi que les agents immobiliers doivent utiliser pour les offres d’achat. Il y a d’ailleurs déjà imprimé sur cette forme une clause pour les inspections. On recommande aux gens de faire une inspection de quelque sorte, que ce soit par un inspecteur professionnel, que ce soit par des amis et ou des connaissances qui s’y connaissent en construction. Alors il y a des choses qu’on peut faire pour éviter de gros problèmes.
Q : Pourquoi est-il important de faire une recherche sur le titre avant d’acheter une propriété, puis est-ce que je peux le faire sans l’aide d’un avocat?
R : Théoriquement, un individu peut faire une recherche. On peut appeler l’office des titres. C’est là qu’on va trouver, que ce soit en anglais ou en français, toutes les informations utiles. Il faut faire une recherche sur le titre. D’ailleurs, c’est le travail de l’avocat de faire ça chaque fois que nous recevons une offre d’achat, que ce soit pour l’achat ou la vente d’un terrain. On fait une recherche sur le titre pour deux raisons. Premièrement, on veut s’assurer que le vendeur est en effet la personne qui est inscrite sur le titre. Le contrat doit correspondre à la personne qui est inscrite sur le titre et qui vend la maison. Si la personne sur le titre est différente de celle qui vend la maison, et ça arrive parfois, et bien, ça cause des problèmes.
Si moi j’agis pour un acheteur, je dois m’assurer que toutes les inscriptions qui sont sur le titre sont permises et que mon acheteur les accepte. Par exemple, Manitoba Hydro ou MTS peuvent avoir droit d’accès parce que leur équipement se trouve sur mon terrain. Ces permissions peuvent suivre le titre de propriétaire en propriétaire.
Ici au Manitoba on a le système Torrens maintenant qui garantit que le propriétaire courant est en effet le seul propriétaire et qu’il n’y a pas d’autres intérêts contre le titre. Le système Torrens fonctionne sur le principe qu’un acheteur peut seulement recevoir un titre s’il est d’abord enregistré. Il ne peut pas acheter un terrain et l’enregistrer plus tard.
Autrefois, les acheteurs et les vendeurs étaient obligés de faire une recherche sur tous les propriétaires antérieurs. Aujourd’hui, un acheteur potentiel n’est pas obligé de regarder au-delà du registre géré par le gouvernement.
Q : Est-ce qu’un avocat est nécessaire quand on achète une maison?
R : Oui, la raison pour laquelle c’est essentiel c’est que les hypothèques et les transferts de titres doivent être témoignés par un avocat qui est licencié dans la juridiction en question.
Alors au Manitoba, ça doit être un avocat du Manitoba. Si le ou la propriétaire ou l’acheteur se trouve à l’extérieur de la province, il y a une liste de personnes qui peuvent témoigner, mais on doit trouver un avocat dans cette même juridiction pour signer des documents.
Le rôle de l’agent immobilier c’est de présenter à des acheteurs un inventaire de maisons. Tous les courtiers immobiliers ont accès à tous les détails des maisons qui sont à vendre : le prix, la superficie de la maison, nombre de chambres à coucher, de salles de bain, etc. Les détails se trouvent dans un système central. Les acheteurs travaillent avec un agent immobilier pour voir l’inventaire disponible. Les agents immobiliers sont régis par la Loi sur les courtiers immobiliers. Ils ont un formulaire de contrat d’offre d’achat que tout le monde utilise quand ils achètent une maison. Je pense qu’il doit changer cette année, mais il sera très semblable.
Pour les vendeurs, le rôle de l’agent est de mettre la maison dans le MLS et puis de rédiger l’offre d’achat et d’assister les acheteurs et vendeurs dans la négociation du prix et de la date de possession, et les objets qui sont inclus ou exclus de la vente. La négociation se fait au niveau des agents immobiliers et pas au niveau des avocats. Les avocats ne peuvent pas changer un contrat. Des fois, les gens demandent à leur avocat de changer des choses, mais l’avocat ne peut rien faire une fois que le contrat est négocié. Mais l’avocat peut s’assurer que le contrat de son client est respecté.
Dans le cas où un client achète ou vend sa maison sans l’aide d’un agent d’immobilier, il peut venir me voir pour que je rédige le contrat. Et à ce moment-là, je peux les assister dans la négociation de l’offre. Mais si l’offre est déjà négociée, l’avocat ne peut pas changer les termes d’un contrat.
Q : Est-ce que le vendeur peut changer d’idée, par exemple, il a déjà accepté l’offre de l’acheteur, mais il change d’avis, parce qu’il a trouvé une meilleure offre?
R : Non. Une fois qu’il y a un contrat sans condition, c’est une obligation contractuelle. On doit respecter nos obligations, sinon la Cour nous trouverait responsables de la perte de l’autre parti. La majorité des contrats se font avec des conditions, normalement c’est l’obtention d’une hypothèque. Ça peut être conditionnel aussi à une inspection de maison et on peut aussi indiquer qu’on veut que notre offre soit conditionnelle à l’approbation de notre avocat. Si l’approbation de l’avocat est une des conditions, à ce moment-là, c’est possible de terminer le contrat. L’avocat n’a pas besoin de justifier sa décision. La majorité du temps, ce n’est pas nécessaire parce que la plupart des gens achètent une maison avec un agent d’immobilier. La majorité des agents d’immobiliers sont compétents dans le sens qu’ils vont encourager leurs clients à se protéger avec des conditions d’inspection et des conditions de financement.
Q : Qu’est-ce qu’on fait si on découvre des vices cachés après avoir acheté la maison?
R : Les vices c’est un problème. La Cour d’appel du Manitoba a adressé ce point dans un appel. Il faut revenir à ce principe – est-ce que le vendeur a caché un problème qui aurait autrement été détectable? Est-ce que le vendeur cache quelque chose par exprès? Par exemple, il refait le sous-sol juste avant de vendre parce qu’il veut cacher des problèmes au sous-sol. Il y a aussi l’élément de fausse déclaration. Par exemple, ça sent la moisissure un petit peu, mais on voit que les murs sont complètement neufs. Un acheteur peut demander au vendeur de faire une déclaration qu’il n’y a pas de problème derrière les murs. Sinon, on doit prendre un couteau et regarder derrière le mur. C’est pas tout le monde qui veut faire ça.
Si on peut établir que la déclaration était fausse et que le vendeur le savait, on a gain de cause, on peut poursuivre la personne. Mais il faut revenir à ce concept de caveat emptor. Au départ, c’est la responsabilité de l’acheteur de ne pas prendre de risques. S’il y a quelque chose qui semble pas être tout à fait correct, normalement, c’est un indice qu’il y a peut-être un problème.
Mais une fois qu’une fois qu’on prend possession et qu’on trouve des vices, à ce moment-là, ce serait important de consulter un avocat. Il faut comprendre que maintenant, on parle de litige. C’est toujours dispendieux de faire du litige. C’est toujours dispendieux de faire affaire avec des avocats. Alors si c’est un problème qui va vous coûter 1 000 $ ou 2 000 $ à régler et bien, dépensez les 1 000 $ ou 2 000 $ et passez à autre chose. Mais si c’est un problème qui va vous coûter 50 000 $, ce serait conseillé de parler à un avocat parce que c’est compliqué cette question de vices cachés. Il y a beaucoup de nuances. Les faits sont très importants à ce moment-là.
Pour en savoir plus, consulter le site Web Étude d’avocats TLR Law Office : https://www.tlrlaw.ca/
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