L’obligation déontologique d’information des droits linguistiques du client

Par Mathieu Langlois
Avocat
Direction des langues officielles
Ministère de la Justice Canada

Ayant presque passée inaperçue jusqu’à ce jour, une petite révolution déontologique en matière des droits linguistiques est en branle au pays. La Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada a récemment amendé son Code type de déontologie professionnelle pour y inscrire de nouvelles règles au bénéfice des minorités francophones et anglophones du Canada. Ce code type a déjà été adopté par plusieurs ordres professionnels et il est à l’étude par les autres ordres professionnels de juristes (voir tableau).

Tous les avocats du Canada (ainsi que les notaires au Québec) sont tenus de respecter le code de déontologie qui s’applique dans la juridiction où ils sont habiletés à exercer leur profession. En cas de manquement aux obligations contenues dans ces codes ou règles, le juriste s’expose à diverses sanctions disciplinaires, pouvant ultimement conduire à la radiation. À la suite des modifications au Code type de déontologie professionnelle, les membres de la profession juridique doivent aviser leurs clients de leurs droits linguistiques.

Dans les provinces et territoires où ce code type a été adopté, il incombe donc aux juristes d’informer leurs clients de leur droit d’agir dans la langue officielle de leur choix devant les tribunaux fédéraux conformément à la partie III de la Loi sur les langues officielles, dans une instance criminelle conformément à la partie XVII du Code criminel ou, le cas échéant, en vertu du droit provincial ou territorial applicable. Le choix de la langue appartient au client et non au juriste, et ce dernier doit aviser son client de ses droits linguistiques le plus tôt possible dans le processus.

Outre l’obligation d’informer son client, lorsque le juriste accepte un mandat de représentation, il doit s’assurer qu’il possède les compétences linguistiques et professionnelles nécessaires pour fournir les services requis par le client dans la langue choisie par celui-ci. Ainsi, peu importe la langue choisie, qu’elle soit la langue maternelle du juriste ou non, rien ne dégage ce dernier de son obligation de fournir tous les services juridiques conformément à la norme de compétence exigée de tout juriste. En d’autres mots, le client est en droit d’obtenir des services juridiques de qualité peu importe la langue officielle qu’il choisit.

À ce jour, dix ordres professionnels de juristes ont édicté des dispositions d’information et de compétence à l’égard des droits linguistiques. De celles-ci, huit juridictions ont calqué leurs dispositions directement sur le code type de déontologie de la Fédération des ordres professionnels de juristes du Canada. Dans deux autres juridictions, le Nouveau-Brunswick et le Nunavut, ces obligations linguistiques sont déjà présentes dans leurs codes de déontologie respectifs.

Il n’y a présentement aucune obligation déontologique identifiant spécifiquement ces droits pour les juristes du Québec, de la Colombie-Britannique et de l’Île-du-Prince-Édouard. En Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard, où le code type de la Fédération a été adopté, les règles ayant trait aux obligations linguistiques ont été soustraites du texte entériné. Au Québec, le nouveau Code de déontologie des avocats du Barreau du Québec de 2015 incorpore l’essence des valeurs reflétées dans le code type de la Fédération, mais aucune disposition ne fait de références expresses aux droits linguistiques.

Les obligations linguistiques selon les codes de déontologie
Province/Territoire Concordance avec
le code type
Date d’adoption Disposition(s) linguistique(s)
Alberta Oui 1er juin 2015 2.02(13)
Colombie-Britannique Oui, sans oblig. linguistiques 1er janvier 2013
Île-du-Prince-Édouard Oui, sans oblig. linguistiques 25 juin 2016
Manitoba Oui 9 avril 2015 3.2-2A et 3.2-2B
Nouveau-Brunswick Non 18 août 2003 Chap. 3 et 4
Nouvelle-Écosse Oui 22 mai 2015 3.2-2A et 3.2-2B
Nunavut NonNote de tablei Chap. 2
Ontario Oui 25 juin 2015 3.2-2A et 3.2-2B
Québec Non
Saskatchewan Oui 13 février 2015 2.02(2.1) et 2.02(2.2)
Terre-Neuve-et-Labrador Oui 15 janvier 2016 3.2-2A et 3.2-2B
Territoires du Nord-Ouest Oui 1er avril 2015 4(4) et 4(5)
Yukon Oui 28 mai 2015 3.2-2A et 3.2-2B
Note de table i
Code type de l’Association du Barreau du Canada de 2009

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Mathieu Langlois
Téléphone : 613-957-4888
mathieu.langlois@justice.gc.ca

Article paru dans le bulletin Justice en langues officielles  | no 14 | été 2016. Veuillez cliquer ici pour lire tout le bulletin

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